Le secret des affaires en pratique

L’organisation d’un débat contradictoire dans les procédures conduites devant l’Autorité polynésienne de la concurrence entraîne la communication entre les parties de données qui peuvent relever du secret des affaires. Un dispositif de protection du secret des affaires a donc été mis en place, qui doit toutefois être concilié avec les exigences des droits de la défense.

Ce dossier et tous ses documents annexes sont destinés à faciliter la lecture du dispositif actuel. Leur contenu ne saurait engager l’Autorité et il est susceptible d’évoluer avec le temps.

Quels sont les textes applicables en matière de secret des affaires ?

Articles code de la concurrenceObjet
LP 630-4Possibilité de refus d’accès à des informations mettant en jeu le secret des affaires aux parties sauf nécessité d’exercice des droits de la défense.
(Le service d’instruction et le collège ont toujours accès à l’intégralité du dossier)
Article A. 634-1Modalités de protection de secret des affaires : formalisme et délai, urgence, cadre des enquêtes, invitation du rapporteur général à présenter une demande dans certains cas.
Article A. 634-2Informations réputées ne pas mettre en jeu le secret des affaires et modalités d’examen des demandes par le rapporteur et de traitement par le rapporteur général (cas d’acceptation et de rejet).
Article A. 634-3Modalités d’accès à des informations mettant en jeu le secret des affaires à l’initiative du rapporteur ou d’une partie mise en en cause, pour l’exercice des droits de la défense ou les besoins du débat. Fixation éventuelle d’un délai par le rapporteur général permettant un débat, consécutif à la prise de connaissance de ces informations nouvelles.
Article A. 634-4Modalités de traitement du secret des affaires dans le cadre de l’examen des projets d’opération de concentration.
art 11 ord n°2017-157 du 09/02/2017Voies de recours contre les décisions du rapporteur général.

Quelle est la typologie des décisions prises par le Rapporteur général en matière de secret des affaires ?

types de décisionsDSADSADECDECDECR
DéfinitionDécision d’acceptation, totale ou partielle, ou de rejet
de la demande de protection de secret des affaires.
Décision d’acceptation de classement/déclassement
lorsqu’une partie demande à ce qu’une autre partie ait néanmoins accès à des informations dont elle demande la protection vis à vis des autres parties.
Décision de déclassement lorsque le bénéficiaire du classement s’est opposé, à tout ou partie, de la demande de déclassement (émanant soit du rapporteur, soit d’une autre partie).Décision de déclassement
lorsque le bénéficiaire du classement ne s’est pas opposé à la demande de déclassement (émanant soit du rapporteur, soit d’une autre partie).
Conditions d’acceptation ou de refusRefus :
si la demande est irrégulière (non respect des délais ou du formalisme) ou manifestement infondée (informations déjà dans le domaine public ou déjà portées à la connaissance des parties, ancienneté de la donnée…)Acceptation :
dans les autres cas.Acceptation partielle :
décision mixte.
Refus :
si la demande est irrégulière (non respect des délais ou du formalisme) ou manifestement infondée (informations déjà dans le domaine public ou déjà portées à la connaissance des parties, ancienneté de la donnée…)
Acceptation :
dans les autres cas.
Acceptation partielle :
décision mixte.
Acceptation ou refus :
à l’appréciation du rapporteur général.
En principe, acceptation.
ConséquencesLes actes de procédure sont établis en fonction de cette décision.
Ce sont les données qui vont être soumises à chaque partie conformément au type de décision rendue.
Les actes de procédure sont établis en fonction de cette décision.
Les données sont accessibles aux parties qu’elles visent.
Les éléments déclassés sont accessibles aux parties désignées ; ces dernières peuvent bénéficier d’un délai pour produire des observations sur les nouveaux documents communiqués.Les éléments déclassés sont accessibles aux parties désignées ; ces dernières peuvent bénéficier d’un délai pour produire des observations sur les nouveaux documents communiqués.

Qui peut présenter une demande de protection de secret des affaires ?

Toute entreprise qui produit un document devant l’Autorité polynésienne de la concurrence : le saisissant, le mis en cause et les tiers à la procédure.

Sur quelles pièces peut porter une demande de protection de secret des affaires ?

Sur toutes les pièces mises dans la procédure, par exemple : saisine, réponses à un questionnaire, procès-verbal d’audition, documents…

La demande de protection de secret des affaires se fait-elle à l’initiative des entreprises ?

Oui, les demandes de protection de secret des affaires émanent directement des entreprises sans qu’aucun courrier ne soit envoyé par l’Autorité polynésienne de la concurrence.

Dans certains cas exceptionnels cependant, le rapporteur général peut inviter des personnes à présenter une demande de protection de secret des affaires sur des éléments du dossier :

Lorsque les pièces ont été fournies par une personne qui n’a pas demandé de protection mais qui contiennent vraisemblablement des secrets des affaires concernant d’autres personnes, le rapporteur général peut demander à ces autres personnes si elles souhaitent formuler une demande de secret des affaires ;
Lorsque les pièces ont été saisies à l’occasion d’une perquisition, le rapporteur général invite les entreprises concernées formuler une demande de secret des affaires.

Dans quel délai dois-je présenter ma demande de protection de secret des affaires lorsque je communique des éléments à l’Autorité ?

La demande de protection doit être adressée à l’Autorité dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle les documents ont été remis à l’Autorité.

La demande doit être faite par lettre recommandée avec accusé de réception ou par dépôt au siège de l’Autorité.

Quel est le délai prévu dans les cas d’urgence ?

Dans les cas d’urgence (notamment dans le cas de demandes de mesures conservatoires), le délai d’un mois peut être réduit par une décision spécifique du rapporteur général, sans pouvoir être inférieur à 48 heures.

La demande peut être alors formulée par tout moyen.

Que se passe-t-il si je ne fais pas de demande de protection de secret des affaires ?

Une information pour laquelle une demande de protection n’a pas été présentée est réputée ne pas mettre en jeu le secret des affaires. Elle est donc accessible telle qu’elle a été produite par les parties ou le cas échéant les tiers à l’affaire qui seraient sollicités par l’Autorité.

Comment dois-je formuler ma demande de protection de secret des affaires pour qu’elle respecte le formalisme exigé par le texte ?

Une information pour laquelle une demande de protection n’a pas été présentée est réputée ne pas mettre en jeu le secret des affaires. Elle est donc accessible telle qu’elle a été produite par les parties ou le cas échéant les tiers à l’affaire qui seraient sollicités par l’Autorité.

Il faut fournir pour chacune des informations, documents ou parties de documents concernés, le motif de la demande et un résumé de leur contenu. Il faut également fournir une version non confidentielle des documents.

Une demande de protection contient donc trois éléments :

1 la lettre de demande exempte de toute donnée confidentielle (car elle est communiquée aux parties à la procédure) ;
2 le tableau, présentant la teneur, le résumé et le motif d’occultation pour chaque information à occulter ;
3 la version non-confidentielle (VNC) du document qui présente les occultations.
Le courrier doit être exempt de toute donnée confidentielle, il est communiqué aux parties à la procédure.

Est-ce suffisant si je motive ma demande de protection de secret des affaires en indiquant comme motif de protection que les données sont confidentielles par nature ?

Non, la motivation doit être explicite pour chaque donnée. Si des informations de même nature sont concernées à plusieurs reprises, une motivation globale ou répétée peut être produite.

Puis-je communiquer des pages blanches (ou entièrement noircies) pour constituer une version non confidentielle d’un document produit devant l’Autorité ?

En principe non, la version non confidentielle est confectionnée à partir du document original et seules les données que vous estimez confidentielles doivent être occultées.

Y a-t-il des risques à demander une protection excessive des données ?

En pratique, un exercice excessif d’une telle protection, même accompagné d’un résumé permettant de comprendre la nature de l’information, risque de se retourner contre les intérêts du demandeur car il peut rendre nécessaire l’utilisation du document concerné au profit d’une ou plusieurs parties. Ainsi, pour éviter cet écueil lors de la protection de données chiffrées précises, il est en général plus opportun de remplacer celles-ci par des fourchettes plutôt que d’occulter toute information.

Des données informatiques peuvent-elles faire l’objet d’une demande de protection de secret des affaires au même titre qu’un document papier ?

Oui, les éléments contenus dans les messageries, les documents word ou excel et tout autre fichier sur support numérique peuvent faire l’objet d’une protection du secret des affaires.

Quelle suite est donnée à ma demande de protection de secret d’affaires ?

Si les délais et le formalisme sont respectés et si la demande n’est pas manifestement infondée, une décision d’acceptation (dite « de classement ») est prise par le rapporteur général. Dans le cas contraire, le rapporteur général prendra une décision de rejet.

Quels sont les motifs de rejet d’une demande de protection de secret des affaires ?

Une demande de secret des affaires peut notamment être rejetée dans les cas suivants :

  • délai non respecté ;
  • formalisme non respecté ;
  • demande portant sur des données publiques ;
  • identité du demandeur de la protection du secret des affaires occultée ;
  • informations déjà portées à la connaissance des parties ;
  • éléments portant sur des ventes, parts de marché, offres ou données similaires de plus de 5 ans au moment où la décision est rendue sauf exception décidée par le rapporteur général.

Les rejets peuvent concerner la totalité de la demande ou une partie de celle-ci.

A qui sont notifiées les décisions relatives au secret des affaires ?

Les décisions sont notifiées aux demandeurs de protection du secret des affaires. Les autres parties en prennent connaissance à l’occasion du débat contradictoire.

Puis-je demander à accéder à une pièce communiquée par une autre partie qui a fait l’objet d’une décision de protection ?

Seules les parties mises en cause peuvent demander le déclassement de certaines pièces.

Si vous n’êtes pas une partie mise en cause, vous pouvez uniquement suggérer au rapporteur que l’utilisation de certaines pièces confidentielles serait utile pour les besoins du débat devant l’Autorité ou pour l’exercice des droits de la défense, afin qu’il en demande le déclassement, libre à lui de suivre ou pas cette proposition.

Puis-je demander la levée de la protection d’une pièce confidentielle à l’égard d’autres parties que moi-même ?

Non, il n’est pas possible de demander la levée de la protection pour d’autres que soi.

Comment se passe la demande de levée de la protection du secret des affaires ?

La partie mise en cause demande la levée du secret des affaires au rapporteur par courrier. Ce courrier précise la description de la pièce ainsi que la cote informatique de la version non confidentielle et motive la demande de levée de la protection du secret des affaires. Le rapporteur en informe ensuite la personne qui a fait la demande de protection et lui fixe un délai pour présenter ses observations. Le courrier énumère les éléments sur lesquels porte la demande de déclassement ainsi que la cote informatique des pièces confidentielles et précise le nom des parties bénéficiaires.

Lorsque la demande de levée du secret des affaires émane du rapporteur, il informe la personne qui a fait la demande de protection et lui fixe un délai pour présenter ses observations dans les mêmes conditions que si la demande émane d’une partie mise en cause.

Puis-je m’opposer à la levée de la protection du secret des affaires, sollicitée par le rapporteur ou par une partie mise en cause ?

Oui dans le délai qui vous est imparti, vous pouvez adresser une requête motivée en ce sens au rapporteur général, en présentant vos observations.

Le rapporteur général apprécie la demande qui lui est soumise et tranche.

Comment se traduit mon silence au courrier de levée de la protection sollicitée par le rapporteur ?

Les pièces énumérées dans ce courrier sont alors communiquées aux parties visées dès la décision d’utilisation de pièces confidentielles rendue par le rapporteur général.

Si je suis destinataire d’un courrier de demande d’utilisation de pièces confidentielles, que se passe-t-il si je fournis une version contenant plus d’éléments que la version non confidentielle accompagnant ma demande initiale ?

Le rapporteur général apprécie s’il estime que la nouvelle version suffit à l’exercice des droits de la défense et dans ce cas, seule la pièce nouvellement confectionnée est alors communiquée aux parties bénéficiaires. Dans l’hypothèse inverse, la pièce confidentielle est accessible aux parties bénéficiaires.

Comment s’opère la protection du secret d’affaires en séance ?

Pour que l’effet utile des décisions de secret des affaires rendues à l’occasion de la phase d’instruction du dossier soit préservé durant les débats oraux, le président de séance peut inviter une ou plusieurs parties à sortir de la salle durant le temps de l’intervention de la personne qui fait état, devant le collège de l’Autorité et le commissaire du gouvernement, d’informations protégées.

Le secret des affaires demeure-t-il protégé lors de la notification ou de la publication des décisions de l’Autorité ?

Le cas échéant, différentes versions des décisions sont notifiées aux parties afin qu’elles ne découvrent pas à cette occasion des informations protégées.

Par ailleurs, les décisions mises en ligne sur le site internet de l’Autorité sont expurgées des données confidentielles, sauf si celles-ci constituent elles-mêmes le cœur du problème traité par l’Autorité.

Existe-t-il un recours contre les décisions de secret des affaires ?

Les décisions prises par le rapporteur général sont susceptibles de recours en réformation ou en annulation devant le premier président de la Cour d’appel.

Quel est le régime applicable en matière de contrôle des concentrations et en matière de contrôle des surfaces commerciales ?

Un régime particulier est prévu pour le contrôle des concentrations et en matière de contrôle des surfaces commerciales.

– Au cours de l’instruction

Les personnes apportant des informations à l’Autorité polynésienne de la concurrence doivent préciser celles qui constituent des secrets des affaires. Le rapporteur général veille à ce que leurs informations soient transmises à l’Autorité et à ce que le service d’instruction réalise des versions non confidentielles si ces éléments doivent être transmis par exemple à des tiers ou aux parties qui ont notifié l’opération de concentration ou d’ouverture (ou modification) de surfaces commerciales.

– Publication des décisions

Les parties qui ont notifié l’opération de concentration disposent d’un délai de 15 jours calendaires à compter de la date de réception de la décision pour indiquer à l’Autorité les mentions relevant du secret des affaires. L’entreprise doit motiver le bien-fondé de sa demande et transmettre une proposition de version publique de la décision

L’Autorité polynésienne de la concurrence n’est pas liée par les demandes d’occultation. Lorsque les demandes ne sont pas acceptées dans leur intégralité, l’Autorité leur adresse une version aménagée de la décision, avant sa publication, afin que les parties puissent faire part de leurs observations. Toutefois, au final, l’Autorité de la concurrence décide.